La biodiversité dans le secteur agricole et agroalimentaire : enjeux et pistes d’actions

9 min de lecture | 28 février 2025

Rédigé par : Clarisse Léon

Les secteurs agricoles et agroalimentaires ont un fort impact sur la biodiversité, en particulier au niveau de la production mais également le long de la chaine de valeur. Des pistes d’actions et cadres existent aujourd’hui pour prendre en compte la biodiversité et réduire les impacts des entreprises. Plusieurs outils sont pour cela cités ici en exemple, dont AgriBEST®, un diagnostic adressé aux agriculteurs qui permet de faire le lien entre pratiques agricoles et biodiversité.

L’agriculture : une des premières pressions sur la biodiversité

Le déclin de la biodiversité et des services que celle-ci rend aux sociétés est aujourd’hui bien renseigné : à l’échelle mondiale on estime à près d’un million le nombre d’espèces animales et végétales menacées d’extinction (IPBES, 2019). Les pressions qui s’exercent sur le vivant sont de plusieurs ordres et pour la plupart imputables aux choix de développement et aux modes de production vers lesquels les sociétés contemporaines se sont orientées.

L’effondrement de la biodiversité et les menaces d’extinction n’existent pas qu’au sein de la biodiversité sauvage, mais menacent également les espèces domestiques. La Food and Agriculture Organization (FAO) estime que 66% de la production végétale mondiale dépend de seulement 9 espèces parmi plus de 6000 recensées, et que 26% des races de bétail sont à risque d’extinction.

A l’échelle européenne, c’est l’intensification des pratiques agricoles qui est en grande partie responsable de la dégradation de la biodiversité et des écosystèmes. Les exigences de production après la Seconde Guerre mondiale ont participé au développement de l’agriculture intensive, portée par des innovations techniques et chimiques, une intensification des pratiques agricoles, une hyperspécialisation des exploitations et une simplification des paysages au profit de parcelles plus facilement exploitables mais dont la qualité environnementale a été fortement dégradée. La proportion importante de surfaces dédiées à l’agriculture a contribué au déclin notable de la biodiversité, sauvage et domestique. Pourtant, la préservation de la biodiversité est d’autant plus cruciale que la sécurité alimentaire ne peut se passer d’écosystèmes en bonne santé, et que l’eau, les sols et les auxiliaires des cultures sont à la base de la production agricole.

Les agriculteurs jouent un rôle de premier plan en matière de biodiversité et sont souvent qualifiés de « premiers acteurs de la biodiversité ». D’abord parce que celle-ci, prise en compte comme support de production leur est essentielle du point de vue de la diversité génétique, de la diversité des espèces et des écosystèmes. Mais aussi parce qu’elle offre des complémentarités fondamentales par les services écosystémiques qu’elle fournit à la production agricole. Les services écosystémiques sont définis comme les bénéfices que la société humaine retire du bon fonctionnement des écosystèmes. En tant que gestionnaires de premier rang de la biodiversité, les agriculteurs agissent donc fortement, sur la fourniture de services écosystémiques.

Catégories de services écosystémiques
(source : librement adapté de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire, 2005)

Des pistes d’actions pour une meilleure prise en compte de la biodiversité

Des cadres pour définir sa trajectoire 

Le déclin global de la biodiversité et en particulier la forte pression qu’exerce le secteur agricole sur la biodiversité et la bonne santé des écosystèmes, montre qu’il est essentiel de prendre davantage en compte la biodiversité dans les pratiques agricoles, ainsi que dans le reste de la chaine de valeur du secteur agroalimentaire.

Pour inciter à agir et cadrer les démarches d’intégration de la biodiversité dans des stratégies d’entreprises, des cadres volontaires ou obligatoires existent. On peut citer en exemple le Cadre mondial pour la biodiversité adopté lors de la COP15 en 2022 qui donne comme direction globale d’« inverser le déclin de la biodiversité ». Des cibles à horizons 2030 guident l’atteinte d’un objectif de zéro perte nette de biodiversité, suivie d’objectifs pour un gain net de biodiversité à horizon 2050, donnant ainsi une trajectoire générale à suivre pour les acteurs désireux de réduire leurs impacts sur la biodiversité. 

A l’échelle européenne, on peut citer en exemple récent la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui est entrée en application en 2025 et demande de publier les risques, impacts et dépendances à la biodiversité pour les entreprises concernées. De nombreuses entreprises agricoles et agroalimentaires entrent et entreront dans les prochaines années dans le cadre de cette réglementation.

Pour répondre de façon construite et cohérente aux nombreuses demandes, stratégies et réglementations existantes, plusieurs étapes principales peuvent être définies pour construire un plan d’actions ou une stratégie biodiversité :

  • Faire un état des lieux et définir un périmètre : cartographier sa chaine de valeur, ses sites, ses projets en cours
  • Evaluer ses dépendances, ses impacts, ses risques et opportunités liés à la biodiversité
  • Hiérarchiser ses enjeux et priorités
  • Définir sa trajectoire :
  • Déterminer des objectifs clairs
  • Définir les indicateurs de suivi adaptés
  • Identifier les outils pour établir les indicateurs
  • Mettre en œuvre sa trajectoire avec un suivi régulier
  • Valoriser ses actions et communication des résultats (obligatoire ou volontaire)

Définir une stratégie biodiversité demande, en fonction des activités de l’acteur concerné, d’aborder la biodiversité selon plusieurs échelles et approches.

Des solutions pour accompagner les acteurs dans la prise en compte de la biodiversité 

Une entreprise du secteur agricole ou agroalimentaire peut avoir des impacts à chaque étape de sa chaine de valeur et tous sont à considérer : au niveau de la production agricole, des achats de matières premières, des sites de production ou transformation, des sites de stockage…

De nombreux outils et indicateurs existent aujourd’hui pour évaluer et suivre les impacts et dépendances et aider à définir une stratégie ou des actions biodiversité. Nous présenterons ici des exemples qui ont deux approches différentes mais complémentaires : la première est une approche à l’échelle de l’exploitation pour avoir des informations qui reflètent directement les pratiques des agriculteurs, la seconde est une approche plus globale des impacts et dépendances d’une entreprise et de toute sa chaine de valeur.

CDC Biodiversité et La Coopération Agricole Ouest (LCAO) ont développé AgriBEST® pour fournir aux agriculteurs un outil simple à compléter, adapté à tous les territoires et modes de production, qui permet de comprendre et évaluer les effets de pratiques agricoles sur la biodiversité de leur exploitation.

AgriBEST® est un autodiagnostic gratuit qui peut être complété en 30 à 45 minutes en ligne(application et site internet). L’évaluation se base sur 15 facteurs, c’est-à-dire 15 pratiques agricoles et caractéristiques de l’exploitation qui ont un lien avec la biodiversité et sur lesquelles l’agriculteur peut agir. Ces facteurs sont classés par type de biodiversité associée : eau et milieux humides, cœur des parcelles cultivées, prairies et éléments naturels du paysage.

Les résultats du diagnostic fournissent une note à l’échelle de l’exploitation, par catégorie de biodiversité et par potentiel de services écosystémiques. Ces résultats permettent ensuite d’identifier les voies de progrès possibles pour favoriser l’accueil de la biodiversité sur une exploitation. 

L’outil offre la possibilité aux porteurs de projets (entreprises, coopératives, collectivités…) de l’utiliser en tant que « prescripteur », c’est-à-dire de proposer aux agriculteurs de son périmètre (territoires, filière, adhérents…) de réaliser un ou des diagnostics et de pouvoir accéder aux résultats pour les analyser et d’obtenir des indicateurs à intégrer dans un plan d’action. AgriBEST® permet de répondre à différents objectifs pour des prescripteurs :

  • Faire un état des lieux de pratiques à différentes échelles (exploitations, territoire…)
  • Cibler des actions de progression
  • Faire un suivi d’évolution de pratiques
  • Identifier des bonnes pratiques pour les valoriser 
  • Sensibiliser ou former
  • Favoriser le dialogue

L’outil permet également d’évaluer le potentiel de fourniture de services écosystémiques sur l’exploitation et ainsi d’encourager les agriculteurs à mettre en place des pratiques qui concourent à la préservation des services écosystémiques.

Exemple de résultats du diagnostic AgriBEST®

La mesure d’empreinte biodiversité – Le Global Biodiversity Score

Le Global Biodiversity Score, développé par CDC Biodiversité, permet aux entreprises de mesurer leur empreinte biodiversité. Il évalue les impacts des activités économiques sur la biodiversité tout le long de leur chaîne de valeur et donne des résultats synthétiques exprimés en une unique unité. La mesure de ces impacts constitue une information pouvant être intégrée dans une politique de pilotage opérationnel et leur stratégie décisionnelle. Il permet ainsi de s’aligner avec les objectifs internationaux et avec la réglementation en constante évolution.

Un groupe de travail sur le secteur agricole et agroalimentaire et la mesure d’empreinte a été lancé début 2025. Il permettra aux participants d’en savoir plus sur les impacts et dépendances du secteur et leurs risques associés, de comprendre les différents cadres de reporting et les indicateurs/métriques pertinentes pour le secteur, de partager des retours d’expérience et de bonnes pratiques.

Diagnostics biodiversité à destination des PME

Dans la même optique de diagnostiquer les impacts et dépendances à la biodiversité et d’intégrer la biodiversité comme risque ou opportunité dans leur stratégie, des diagnostics biodiversité à destination des PME seront proposés dès cette années dans le cadre d’une initiative portée par Bpifrance et l’OFB. Ce diagnostic permettra, après un accompagnement par un expert, d’établir un plan d’action pour l’entreprise pour préserver la biodiversité et réduire ses risques.

En savoir plus :